Ce 20 mars 2018, l’Institut Français de Cotonou a été le carrefour francophone du Bénin. Tous les francophiles, au même titre que l’Association des professeurs de français du Bénin et d’autres acteurs institutionnels impliqués dans la promotion de la langue française se sont donné rendez-vous pour échanger sur le rapport du français aux langues africaines et sa contribution au développement du tourisme et du numérique en Afrique autour du thème : « La langue française, toujours la même, toujours changeante » C’est au détour d’une conférence débat animée par José PLIYA, dramaturge et Jean-Michel Kasbarian, Conseiller à la Coopération et à l’action culturelle de l’ambassade de France.
C’est un dialogue truculent sur la langue française qui s’est instauré entre José PLIYA et le public composé de professeurs de français, d’universitaires, d’hommes et femmes de culture, d’étudiants, des personnels de l’Institut Français et de la Commission Nationale Permanente de la Francophonie. Sans langue de bois, le conférencier a répondu aux questions qui lui ont été adressées.
Le français, une langue en Afrique ou une langue d’Afrique
Partant de ses propres expériences d’écrivain et celles d’autres auteurs comme Sony Labou Tansi,Florent Couao-Zotti, José PLIYA a démontré qu’il n’existe pas un français en Afrique mais plutôt des français. Ceci dans la mesure où chaque écrivain, mieux chaque peuple n’hésite pas à donner à la langue française une couleur locale. Les interférences linguistiques, les diglossies, les marques de la culture africaine dans les œuvres révèlent le caractère dynamique du français qui, aujourd’hui, n’est plus la propriété exclusive de la France. Il est devenu, grâce à ses multiples usages et aux divers parlers, une langue d’Afrique. L’exemple du ‘‘nouchi’’ (un mélange du français et des langues ivoiriennes) en Côte-d’Ivoire est évocateur des mutations subies par la langue française dans l’espace francophone. Le conférencier a rappelé la boutade de Calixte BEYALA à ce sujet : « La France est francophone, la francophonie n’est pas française ». Pour lui, le salut de la langue française passe par son adaptation aux territoires et sa fusion avec les langues et les cultures africaines. Ses pièces Le complexe de Thénardier et La farce de Maître Pathelin (une adaptation) prouvent à suffisance la nécessité du brassage. Le complexe de Thénardier, par exemple, est une pièce pensée en ‘‘fongbé’’, langue maternelle de l’auteur, mais écrite en français. Du coup, pour comprendre certaines images, il est important de considérer le référentiel culturel de l’auteur. Le constat est le même au niveau de l’onomastique où certains noms sont inspirés par le ‘‘fongbé’’. C’est le cas de Vido, une sorte d’apocope, pour désigner cette terminologie devenue commune au Bénin : vidomegon ( enfant placé) , et la locatif Dakota qui renvoie à Zakpota (une commune du Bénin réputée dans la traite des enfants). Ce téléscopage entre ces deux langues est signe de l’africanisation du français. Pour José PLIYA, l’écrivain africain d’aujourd’hui n’aura aucun mérite à écrire comme les écrivains français car l’avenir d’une langue est tributaire de sa réinvention. Selon lui, « l’académisme est du formol donc un danger pour la langue ». Cela dit, il est à préciser que la bonne maîtrise du français est nécessaire dans le cursus scolaire et universitaire.
Le français et le plurilinguisme comme vecteur de développement durable, économique et d’innovation
L’intérêt suscité par la première interrogation dans le public n’a pas permis au conférencier d’aborder amplement la problématique de la contribution du français au développement du Bénin et de l’Afrique. Il a juste mis en exergue la plus-value de la langue française dans les secteurs du tourisme et du numérique. Au total, le français est une langue qui s’enrichit, sans cesse, des multiples apports des langues et cultures africaines. C’est une langue d’écriture, de communication et de développement au service de la francophonie.
Patrick CREPPY
Médiateur Culturel/APFB