Le 28 novembre dernier, dans une émission spéciale dédiée à la 1ère journée internationale des professeurs de français, CGTN, la télévision centrale de la Chine, a interviewé M. Wang Wenxin, professeur à l’Université des Etudes internationales de Shanghai (SISU) et Secrétaire général de l’Association chinoise des professeurs de français. L’émission était animée par Zhao Zhijin, qui a aussi interviewé Mme Chen Lei, enseignante à l’Alliance française à Beijing.
Voici la transcription de cette interview :
Zhao : Monsieur Wang, nous savons que vous participez à l’organisation d’évènements à l’occasion de cette journée internationale des professeurs de français. Que pensez-vous de la création de cette journée ?
Oui, en effet, c’est en qualité du SG de l’ACPF que j’ai participé à l’organisation d’une série d’activités, mais pas seulement pour célébrer cette 1ère journée des professeurs de français. Nous les organisons annuellement, y compris un concours d’éloquence pour les étudiants, un séminaire pour les profs, un congrès qui réunira les directeurs de départements de français fin nov (demain à l’Université normale de Anqing), et un stage de formation auquel ont participé, il y a juste quelques jours, une centaine d’enseignants venus d’autant d’universités et de lycées.
Alors, quant à la raison de mettre en place une telle journée, on l’a clairement exprimée sur son site officiel (https://www.lejourduprof.com/): l’objectif en est de valoriser le métier d’enseignant de français par des activités et des évènements qui vont créer du lien et de la solidarité. C’est un jour où les enseignants vont échanger, se réunir pour des moments conviviaux, partager leurs expériences et leurs pratiques.
Zhao : Des experts interviewés ont mis l’accent sur la formation professionnelle des enseignants de français. Qu’en pensez-vous ?
Ces experts ont raison. Je suis tout à fait du même avis. C’est pour cette raison que nous avons organisé 10 éditions de stage de formation en Chine. Aujourd’hui, à l’université, on recrute en principe des étudiants sortant de doctorat, au lycée et dans certains instituts privés et au secondaire, on recrute des étudiants de master. Que ce soit doctorat ou master, ce qui est impliqué, c’est plutôt les connaissances de leur discipline et leurs compétences de recherche. Or, c’est du savoir, mais non pas du savoir faire. Faire quoi? Faire le cours. Certes, ce savoir-faire est lié étroitement au savoir, mais il n’en constitue pas moins une science à part, qu’on appelle pédagogie, didactique ou didactologie, qui consiste à étudier les méthodes de bien organiser les cours, qui sont, au bout du bout, une sorte de coopération entre les élèves et leurs profs.
Zhao : Le thème de cette première édition est " Innovation et créativité". Monsieur Wang, de quelle innovation parle-t-on ?
Innovation pédagogique, et esprit créatif requis à tous les enseignants. Vous savez, l’enseignement est un métier qui exige, entre autres, que l’enseignant renouvelle incessamment son bagage du savoir de sa discipline, tout en suivant l’évolution des théories et pratiques de la didactique de cette discipline. Surtout dans le domaine des langues, puisque la langue évolue avec la société, pourrions-nous imaginer qu’un enseignant en donne le cours à ses élèves avec un manuel publié il y a 10 ans, voire 20 ans, et un plan de cours rédigé il y aussi longtemps? Et avant tout, nous vivons aujourd’hui une époque très différente de toutes les époques passées, avec toutes les nouvelles technologies en vogue : ordinateur, Internet, téléphone intelligent, tableau intelligent et tout autre équipement numérique, que nous pouvons connecter d’un bout à l’autre du monde, ont brisé, bon gré mal gré, toutes les servitudes de la classe traditionnelle. C’est une révolution. Un enseignant ne peut en aucun cas échapper à cette révolution, mais il doit y participer activement, en aménaegant ses moyens et méthodes pédagogiques pour créer de nouveaux types de cours, conformément aux nouveaux besoins de nouvelles générations d’étudiants.
Zhao : Monsieur Wang, pouvez-vous nous raconter une anecdote de l'interaction avec vos élèves qui vous a particulièrement marquée dans votre carrière ?
Je suis devenu enseignant en 1990, donc, j’aurai 30 ans de carrière l’année prochaine. Les anecdotes aussi nombreuses que mes élèves. Beaucoup d’histoires touchantes. Pour citer un exemple, je me souviens qu’en 2010, quand Shanghai organisait l’Exposition universelle, j’y suis allée une fois. Vous savez, il y avait tellement de visiteurs que la file d’attente pouvait se faire jusqu’à plusieurs heures. Quand j’attendais dans une de ces files, très longue, tout à coup, j’entends quelqu’un m’appeler : Oh oh, Monsieur, Wang, venez ici ... (en français...) J’y suis « venu », et c’est une jeune fille qui est la gardienne de l’entrée. Elle me disait (toujours en français, pour éviter que les autres comprennent) qu’elle était l’une des mes anciennes élèves et qu’elle pouvait me laisser entrer sans faire la queue. J’ai accepté. Il ne fallait pas, mais vous savez, en Chine, les enseignants, les vieux d’un certain âge et les personnes malades ont souvent le privilège de passer les premiers. Me disant que je suis prof (prof de français), un peu vieux et que j’ai mal au dos, j’ai fini par accepter sa proposition. Et bien entendu, après l’Expostion, nous nous retrouvons à l’Université pour en discuter, en français, ce qui nous a beaucoup plu, à tous les deux. Vous voyez, mon élève de français m’a donné un coupe-file, et je voudrais dire que le français pourrait être, effectivement, un coupe-file dans votre évolution professionnelle.
(source : université SISU http://fr.shisu.edu.cn/resources/news/content11167 )
Lien de l'émission : https://m.weibo.cn/status/IisHDFlxD?wm=90154_90001