La littérature béninoise se bonifie au fil des ans comme du vin, rendant caduc le catalogue des œuvres de fiction Le Bénin littéraire du professeur Guy Ossito Midiohouan qui n’a pris en compte que l’intervalle 1999 – 2012. Elle se taille encore une nouvelle peau avec Le vrai visage de mon pays, un livre flambant neuf, paru aux Editions L’Harmattan cette année même, donc en 2017 et qui porte la griffe de notre compatriote Nathanaël KOTY. Les férus de lecture et de littérature sont à nouveau servis. L’ Association des Professeurs de Français du Bénin, invitée au lancement de cet essai socio-économico-politique à valeur de profession de foi et préfacé par Florent Couao-Zotti , ce samedi 8 juillet 2017 au Palais des Congrès de Cotonou, vous fait découvrir, l’œuvre tout autant que son auteur.
QUI EST L’AUTEUR ?
De son vrai nom KOTY Gbêdandé Dénandjèdji Nathanaël, il prit pour nom de plume KOTY Nathanaël pour faire plus court. C’est un cadre béninois de haut vol , nanti de deux parchemins universitaires apaisants et rassurants pour ses charges actuelles. Produit fini de l’université d’Abomey Calavi, il est détenteur à la fois d’une maîtrise en administration générale obtenue à la FADESP (Faculté de droit et des sciences politiques) et d’un master professionnel en gestion des projets et développement local conquis à la FASEG (Faculté des sciences économiques et de gestion). Ce qui lui a permis à la fin de ses études supérieures d’échapper aisément aux fourches caudines du chômage ambiant et persistant qui asphyxie les jeunes de sa génération, afin d’ être recruté à Africa Investment Bank, une jeune banque, pour laquelle le jeune Nathanaël KOTY nourrissait la rageuse ambition de faire grandir. Mais le sort en a décidé autrement. Son oncle, l’excellentissime KOTY Lambert (que je ne vous ferai pas l’injure de présenter, parce qu’il est une icône sur laquelle en cliquant, apparait une personnalité composite, parce que KOTY Lambert est à la fois un expert en BTP, actuel Directeur de la célébrissime AGETUR, mais aussi un homme politique qui a fait ses preuves et qui continue de demeurer incontournable sur l’échiquier politique national) lui fit appel pour le responsabiliser dans la gestion du poste de péage et de pesage d’Ahozon qui est dans le giron de son entreprise . Il y fait désormais office d’administrateur général , depuis 2008 jusqu'à ce jour, source d’inspiration de l’actuelle œuvre littéraire que nous sommes venus célébrer et qui du coup est à la fois un passeport et le visa qui l’installent dans le prestigieux landernau des écrivains béninois.
UN VOYAGE A TRAVERS L’ŒUVRE
Il faut s’appeler Nathanael KOTY pour accomplir le miracle de faire d’une infrastructure routière un objet de curiosité littéraire. Le récit hallucinant sur le site d’Ahozon qui est la chute du titrage, titille en effet notre fibre littéraire et nous sert de boussole pour parler de l’œuvre proprement dite, qui a connu sous la plume du jeune auteur, une narration tripartite à savoir : 1- Poste de péage et de pesage d’Ahozon : un lieu stratégique. 2- Un personnel très motivé pour la tricherie. 3- Poste et péage d’Ahozon : Les faits divers.
Dans la première partie au titre bien annonciateur de « Poste de péage et de pesage d’Ahozon : un lieu stratégique » , l’auteur fait l’historique du site et dévoile les procédures administratives qui ont contribué à son implantation à cet endroit précis , les conditions de sa propre prise de service et les premières tragédies administratives et professionnelles qui l’ont accueilli. On en retient que cette zone à la réputation d’être un repaire des bandits de grand chemin , des malfrats les plus redoutables et les plus impitoyables. Le général Mathieu KEREKOU, alors président de la république a donc décidé de sécuriser cette région ,en ordonnant d’y installer le poste de péage et de pesage. C’est déjà dès les cérémonies de lancement des activités de ce fleuron de l’économie béninoise et du développement national, que l’auteur a essuyé ses premières sueurs froides. Quelques morceaux choisis p 23 – 25 « Même si on était . . . d’Ahouicodji au site » . C’était un déchaînement inattendu et inexplicable de la nature contre une cérémonie pourtant bien huilée et très bien ficelée , avec la présence effective du ministre de tutelle. Cela se passait plus précisément le 20 mai 2008 sous le président BONI YAYI. Une autre menace sur KOTY Nathanaël, vient de son personnel ce jour là même P 25-26 « A la fin des cérémonies . . . le faire démissionner ! ». La menace mise en exécution, avec ses premiers indices, donne ce qui suit p33 « En complicité avec . . . du feu ». Le patron décida d’informatiser le système et réalisa effectivement son rêve. Malheureusement p 37-38 « Car, trois jours après . . . des éléments naturels ».
La seconde partie est intitulée : « Un personnel très motivé pour la tricherie ». L’auteur y raconte le bras de fer qu’il a engagé contre tous les employés indélicats, l’intervention de la justice, le recrutement de nouveaux agents et la persistance de la situation délétère, en dépit de la présence des nouvelles recrues. Malgré la vigilance soutenue du responsable du site KOTY Nathanaël , les fraudes n’ont pas cessé sur le site, au contraire, les méthodes exploitées sont devenues plus intelligentes et plus sophistiquées P 44 – 45 « En fait de complicité . . . langage juridique ». Avec cet aveu, la bande de fraudeurs fut naturellement mise aux arrêts. Mais face aux pressions, l’auteur du présent livre, fit l’amer constat qui suit P 53 « Libérés, . . . regarder l’avenir ». On y ressent le caractère débonnaire de l’administration sous nos cieux et la révélation de la physionomie laxiste de notre justice. La légèreté avec laquelle le dossier des fraudeurs a été traité, ne présageait pas l’ hygiène dans les mœurs administratives du site. L’indignation de l’administrateur général était donc a son comble P 54 « Comment peut-on comprendre . . . la retenue ? ». Des interrogations pertinentes qui enfilent à l’auteur, un manteau d’éducateur franchement soucieux de l’avenir de cette jeunesse incriminée. Une jeunesse qui relègue au dernier plan, les questions d’éthique et de morale qui devraient être la boussole de toute vie saine. Cette dimension boueuse de la jeunesse est devenue pour KOTY Nathanaël, une obsession qui s’apprécie dans la redondance de cette préoccupation à travers ce passage P 59 « J’essaie de voir . . . une telle mentalité » Cette seconde partie est écrite pour le signe de la détermination émoussée par les avatars des réalités professionnelles qui mettent l’écrivain dans un état de colère et de révolte, rendant la plume bien furieuse.
Malheureusement il n’est pas au bout de ses peines . C’est ce qu’il nous fait partager dans la troisième partie qui porte au fronton ‘’poste et péage d’Ahozon : les faits divers’’. La littérature ici est aussi bien fantastique que tragique, alimentée de faits insolites et insoutenables avec pour constance , l’horreur dans ses dimensions les plus insoupçonables. L’auteur comme juché sur un mirador, rend compte des échantillons de spectacles qui ont pour scène ce poste de péage et de pesage. Lui- même reconnaît y recevoir, pour reprendre ses propres termes, « une leçon d’anthropologie sociale ». Il y prête donc attention à la variété des marques de véhicules qui sont des indicateurs patents de la classe sociale des usagers. Il y dénonce les différentes astuces déployées par certains usagers de très mauvaise foi pour passer le péage et pesage sans bourse délier. Certains usent de leurs uniformes d’agents de sécurité, d’autres de leurs relations et positions politiques, d’autres encore ont recours aux mensonges et même aux trafics d’intimidation. A titre illustratif P 79- 80 « Ce fut le cas, par exemple, . . . il s’éclipse ». Le site d’Ahozon sert aussi de théâtre aux scènes de ménage dont certaines interpellent la morale, disons la moralité de nos hauts cadres P 83 «C’est ainsi qu’un jour . . . son impuissance » . En dehors de ces indélicatesses et des ruses de certains maîtres chanteurs et autres arnaqueurs, les fleurs du mal qui confèrent à la fin sa beauté tragique à l’ouvrage, ce sont les faits au-delà du réel. Ils décorent l’œuvre d’une splendeur littéraire inestimable – voyons P 89- 90 « Il s’agit par exemple . . . même monde que nous ». Finalement le cadavre de cette femme morte depuis plus d’un an, a été retrouvé intact dans la forêt avoisinante. Dès que ses proches sont venus enlever la dépouille et lui ont rendu la sépulture méritée, ses apparitions aussi ont cessé.
Parmi les faits insolites du site, qui ont tous pour origine les actes crapuleux des malfrats, il y en a un qui n’a pas échappé à l’observation vigilante de l’auteur. C’est la tombe bien visible qui trône de façon majestueuse sur le site et qui conserve toute sa légende et tout son mystère , en dépit des nombreuses investigations de KOTY Nathanaël. L’interprétation la plus pathétique est relative au braquage d’un couple mixte de la diaspora béninoise P 93 – 95 « La maman . . . disparurent ».
LE GENIE DE L’AUTEUR
Après ce voyage à travers l’œuvre où l’écrivain nous a dit les faits et événements en se disant, on peut s’autoriser à dire aussi que l’administrateur général de ce site mène une carrière tragique et que le pont de péage et de pesage d’Ahozon est un creuset de tragédie a visage multiple et multiforme. KOTY Nathanaël devient de ce fait un écrivain tragique dont le livre échappe à toute classification. Ce récit a tout l’air d’un rapport de mission, mais respire aussi les mémoires d’un cadre soucieux de léguer à la postérité ses difficultés et expériences professionnelles. Sa destination finale étant le public, il devient une profession de foi. Cette œuvre au regard de la détermination de l’auteur à mettre de la salubrité dans les mœurs administratives afin que l’hygiène règne dans les services publics, devient un livre éducatif qui mérite d’être inscrit dans les Programmes scolaires par ces temps où l’urgence de l’instruction civique alimente toutes les chroniques en milieu enseignant. Nous avons donc affaire a un écrivain atypique qui frappe aux portes du cercle fermé et très respectable des auteurs béninois avec une production bien buissonnière. La lecture de l’oeuvre laisse apparaître en filigrane la rigueur pointilleuse du bon gestionnaire et la recherche de clarté qui caractérise les administrateurs de renom. Ce qui confère à l’ensemble un cachet quasi scolaire avec une introduction suivie de l’alimentation bien croustillante d’un plan détaillé et rigoureusement suivi, que ferme la conclusion faisant le bilan du discours. Le refus de toute équivoque se ressent déjà dans un titrage surchargé à dessein, avec le triptyque : Le vrai visage de mon pays. Ma vie au poste de péage – Récit hallucinant sur le site d’Ahozon au Bénin.
Le pays non précisé au départ se révèle à la fin avec le dernier sous titre et la substance de l’œuvre est mise à nu avec le premier sous titre qui fonctionnent comme des béquilles au titre principal « Le vrai visage de mon pays ». La forme de présentation du discours qu’est le récit est aussi dévoilé à la fin. Cette formule de titrage loin d’être innocente, trahit et traduit à la fois un état d’âme, celui de l’écrivain KOTY Nathanaël qui est en réalité un cadre quêteur permanent de clarté et un véritable obsédé de vérité, puis un traqueur fieffé du faux et usages de faux. C’est pour cela que son livre devient une œuvre d’utilité publique incontournable pour les foras soucieux du développement durable. L’activisme politique observé ses derniers temps autour de la molarisation de la vie publique, gagnerait à tendre la main à l’auteur de Le vrai visage de mon pays pour des résultats plus sains, au lieu des agitations stériles qui le caractérisent.
Si la production essentielle de Nathanaël KOTY s’étale de la page 17 à la page 100, il n’y a pas lieu de minimiser les textes d’escorte qui l’habillent. On en dénombre essentiellement trois . Il y a d’abord une préface du grandissime Florent COUAO- ZOTTI , une figure emblématique de la littérature béninoise qui met l’accent sur la bonne surprise que constitue pour lui ce livre ; au regard de la souche intellectuelle de son auteur qui n’a pas pour carrefour obligé les milieux littéraires, mais qui pour un coup d’essai a réussi le coup de maître par la qualité de l’écriture et la beauté de l’œuvre. Ce faisant, en bon connaisseur de dame littérature, Florent COUAO- ZOTTI valide ainsi l’œuvre et la hisse au rang de création littéraire de bonne facture. Ensuite, l’auteur lui-même annonce les mobiles qui l’ont conduit à écrire un tel ouvrage et les préoccupations force qui y seront développées par une introduction. Enfin, il clôt sa création par une conclusion dans laquelle il rend hommage à son oncle KOTY Lambert, qui lui a permis d’embrasser une carrière bien aventureuse mais très riche en enseignements parce qu’en réalité, cette responsabilité lui a surtout permis de s’auto- construire et de mettre à la disposition de l’opinion son témoignage.
Pour clore, il ne serait pas superflu de nous intéresser aux deux prénoms indigènes de l’écrivain KOTY Nathanaël. Gbédandé qui signifie un malheur, un danger, un drame ou une tragédie que la vie vous impose. Dénandjèdji qui veut dire quelque chose va s’ajouter. Pour dire que le choix des noms n’est jamais fantaisiste en milieu traditionnel mahi ou fon. Souvent il trace le destin de l’enfant. C’est habituellement une large formule dont on se contente de l’abréviation ou du condensé. Pour le profane que je suis , je constate qu’apparemment a partir des deux prénoms indigènes de notre écrivain, on peut dire qu’il est né pour braver le malheur, mais aussi pour triompher dans toutes les missions à lui confiées. Il est donc prédestiné pour ses charges actuelles. C’est un véritable appel du destin .
Par l’Inspecteur pédagogique- Ecrivain : Apollinaire AGBAZAHOU, Membre fondateur de l'APFB